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Où l’approche neurolinguistique a passé un CAP (Congrès Asie Pacifique)

French in Normandy

Du 20 au 24 Septembre 2017, le IVe CAP (Congrès Asie Pacifique) de la FIPF s’est tenu à l’Université de Kyoto et à l’Institut français du Japon-Kansai. Un moment charnière dans l’évolution de l’enseignement du FLE.


Congrès Asie PacifiqueFrench in Normandy est, à ce jour, la seule école de France a avoir porté un intérêt à l’Approche Neurolinguistique.
Elle a embauché ces deux dernières années trois enseignants formés à cette approche, les seuls à la pratiquer dans toutes l’Europe jusqu’à maintenant. Sans avoir mis en œuvre une réforme intégrale ou brutale de ses pratiques pédagogiques, elle encourage l’adaptation progressive  et contextualisée des stratégies d’enseignement proposées par cette méthodologie, initialement élaborée au Canada, puis qui a essaimé en Chine et se développe actuellement de plus en plus au Japon, en Colombie ainsi qu’en Iran.

J’avais été à l’origine de la première formation initiale, complète, à la fois théorique et pratique, à cette approche – désignée sour l’acronyme ANL – au Japon, en mars 2015. C’est à ce titre que j’ai été sollicité, il y a quelques mois, pour intervenir au quatrième congrès de la Fédération Internationale des Professeurs de Français pour la zone Asie, à y présenter l’état actuel de mon travail concernant ce domaine, que je mène en collaboration avec le Dr Steeve Mercier de l’université Laval, et à participer à une table ronde sur les difficultés relatives à l’adoption de ce « nouveau paradigme » pédagogique.

Les cinq journées qui viennent de se dérouler, dans le magnifique cadre de l’université de Kyoto et de l’Institut
Français de cette même ville, auront fait  battre mon cœur à plus d’un titre. Tout d’abord, parce que les Congrès Asie Pacifique de la FIPF sont un évènement majeur pour la diffusion de la langue et de la culture de France, évidemment, mais aussi parce que c’est au travers de ces congrès que j’ai perçu, il n’y a pas loin d’une dizaine d’année, l’ampleur et l’enjeu de la diversité des langues française et des cultures francophones. Il y a, lors de la rencontre des enseignants de langue de pays aussi variés que l’Australie et le Vietnam, l’Inde et la Mongolie, la Nouvelle-Zélande et la Corée (pardon pour la longue liste des pays participants que je ne peux prendre la peine d’énumérer dans ces quelques lignes), quelque chose d’extraordinaire qui se joue pour notre idéal de paix mondiale. Au travers des échanges d’idées et de pratiques pédagogiques, au travers de débats, parfois acerbes, les esprits s’éclairent d’idées lumineuses. Une averse de ces petits moments d’intercompréhension où les différences culturelles se trouvent dépassées par la passion pédagogique qui nous relie.

Les incompréhensions, toujours possibles avec ceux dont on ignore tout, sont convertis en un accès à l’altérité. Malgré les coutumes et les postures liées à la fonction et à la nation d’appartenance, tous tendent la main et l’oreille pour se dire et se comprendre. Le type d’évènement, donc, qui trace le sillon d’un avenir un peu plus optimiste que celui qui nous est quotidiennement présenté par les médias grands publics. 

Le Congrès Asie Pacifique de la FIPF a fait battre mon cœur parce qu’il s’est tenu au Japon, pays où j’ai passé un tiers de mon existence, pays qui a guidé ma démarche intellectuelle durant le double de temps, avec lequel je me suis marié mais qui, s’il fait définitivement partie de mon foyer, est actuellement géographiquement éloigné pour moi. J’étais donc très heureux que ce magnifique évènement francophone se tienne dans ce pays unique à tout autre pour moi, et aussi très fier que le Japon m’ait invité à me joindre à lui à cette occasion, à Kyôto, la capitale impériale, splendide incarnation urbaine de l’esthétique traditionnelle nippone. On ne pouvait souhaiter un espace plus resplendissant pour les retrouvailles de ces Lumières francophones du grand est.

Enfin, ce CAP FIPF me paraît marquer un tournant dans l’histoire de l’enseignement des langues ou, à tout le moins, pour l’enseignement du FLÉ/FLS, car, depuis un peu plus de 9 ans que j’ai découvert l’approche neurolinguistique, je dois dire que, pour pragmatique que soit son orientation et empirique que soit sa démarche, c’est bien la première fois qu’elle n’est plus évoquée en terme de curiosité pédagogique mais bien présentée comme une perspective essentielle et à prendre en compte pour répondre au besoin actuel d’un enseignement efficace des langues. Le Cadre Européen de Référence pour les Langues est dans tous les esprits désormais. Nous autres enseignants de langue savons où nous devons mener nos apprenants. Le « quoi » apprendre ne fait plus guère difficulté. Mais le « comment » l’enseigner continue à poser des problèmes. Faire non pas seulement apprendre des langues mais bien les acquérir, au sens de développer une habileté à communiquer réellement, avec aisance et précision, voilà l’enjeu. C’est pour moi, à n’en pas Congrès Asie Pacifiquedouter, parce que les propositions de l’ANL répondent à ces préoccupations des enseignants que nous avons pu assister, lors du congrès de cette année, à plus de dix présentations portant sur les techniques pédagogiques des praticiens de cette approche, puis à la table ronde extrêmement constructive portant sur « les difficultés d’implantation de l’approche neurolinguistique en milieu asiatique » qui aura clôt les échanges.

L’assemblée des enseignants, des universitaires et des institutionnels rassemblés y ont en effet dégagé l’idée que, pour ceux qui auront choisi une démarche scientifique, s’appuyant sur une théorie de l’acquisition empiriquement fondée et prônant l’évaluation des résultats des stratégies d’enseignement, il n’est plus temps de se préoccuper des difficultés liées à des oppositions de principe, de posture ou d’organisation : désormais, il devra s’agir d’analyser les contraintes propres à tout cadre éducatif afin de pouvoir tirer profit, là où on enseigne, des résultats enthousiasmants du FI (Français Intensif), mouture initiale de l’approche développée au Canada, et actuellement toujours modèle des dispositifs ANL qui ont pu se développer aux quatre coins du monde.

En bref, l’intérêt grandissant manifesté pendant ces cinq jours dans les discussions et les demandes de formation pratique qu’on m’a faites pour cette méthodologie, qui aura vingt ans l’année prochaine, témoigne que, manifestement, l’ANL a passé un cap !

Olivier Massé
Kyoto, Japon